L'horreur de la situation
Yvan a fort souvent évoqué l’exemple de l’homme devant sa porte en train de frapper pour sortir, il décrivait l’art de bien frapper, le rêve du frappeur…, et le don de compassion né de la vision de sagesse de celui qui nous voit dehors…
Voici comment il racontait la chose :
Un instructeur s’approche de frappeurs voulant sortir, et leur dit :
- - Non, non, vous êtes dehors
- - Et qu’est-ce qu’il faut faire pour sortir ?
- - Vous ne m’avez pas bien compris, vous êtes dehors.
- - Ah oui, et si je frappe de cette manière-là, c’est bien comme ça que je vais sortir ?
- Non, écoutez-moi, pour un frappeur, sa seule raison d’être, est de sortir ; s'il est dehors, il perd toute sa raison d’être, il ne veut pas être dehors, il veut sortir.
- - Veux-tu dire plus concrètement qu’on frappe pour rien ?
- Oui, puis un jour, notre homme s’arrête, prend conscience qu’il a toujours été dehors et que voit-il ? d’autres personnes qui tapent sur des portes pour sortir…
Il est des moments où l’univers du frappeur lui paraît complètement insensé. Même si apparemment c’est très logique, très construit et même si tout le monde a l’air de faire la même chose, s’il existe des théories sur l’art de frapper pour sortir, s’il existe des organisations où l’on frappe à plusieurs…
Il y a un moment donné où ce vécu de frappeur ne le concerne plus, n’a plus prise.
Il y a le pressentiment que l’univers du frappeur ne se justifie pas, il y a en nous le souvenir de l’Un, du Réel, du dehors dont nous sommes issus. Ce souvenir est détourné par l’univers de la porte, la stratégie du frappeur qui veut sortir. C’est l’énergie même du souvenir du dehors en nous qui alimente la stratégie de frapper.
- Alors, quand ta vie n’a plus de sens ou que le sens que tu lui as donné ne suffit plus, le goût en toi de vivre autre chose apparaît, et ce goût en toi est directement relié au souvenir du Réel, cela t‘amène éventuellement à entendre l’enseignement.
Tu vas l’entendre ; en un premier temps, tu vas prendre conscience des stratégies du frappeur, tu vas te rendre compte que tu es tellement imprégné, structuré par les mécanismes qui maintiennent le frappeur que tu ne peux rien faire d’autre.
Le frappeur, nous considérons qu’il est connu, mais on ne le connaît pas du tout, c’est un tissu de comportements mécaniques, automatiques dont on n’a absolument aucune conscience.
L’enseignement ne peut pas convaincre, l’enseignement ne peut que suggérer, alors peut-être aurons nous envie de vérifier. Un pressentiment grandit en nous, nous pousse à éprouver autre chose, à connaître autre chose.
Les missionnaires essaient de convaincre. L’enseignement ne peut pas convaincre, il relève d’une qualité de conscience et seule cette conscience là peut ressentir ce dont il est question dans cet enseignement.
Yvan nous a souvent dit: « Chez nous, il n’y a pas de croyants, il n’y a que des pratiquants. »
Il citera une fois André Gide : « C’est seulement les imbéciles et les crustacés qui adhèrent ! »
- A un élève on ne donne pas une réponse, on donne le travail qu’il faut faire pour découvrir la réponse.
L’enseignement ne peut pas être une réponse à nos revendications d’homme, il ne pourrait que générer d’autres revendications, l’enseignement est un prétexte, une invention de celui qui n’y croit pas et dont il sait pourtant que vous en avez extrêmement besoin.
L’enseignement confirme fondamentalement et tout le temps un fait absolu : vous êtes dehors.
L’enseignant nous voit dehors et en même temps il voit à quel point nous sommes identifiés au frappeur qui veut sortir.
Ceux qui en ont la possibilité, pourront écouter sur ce sujet les cassettes suivantes :
- Cassette 17, août 89, au début de l’entretien, l’histoire prend forme.
- Cassette 51
- Cassettes 225 et 246, témoignage d’Yvan, découvrant immédiatement après l’éveil qu’il a toujours été dehors.
- Cassette 258, ce thème est développé, de A à Z
- Cassette 265, la vraie réponse ne peut pas venir d’un instructeur, la vraie réponse ne peut pas venir d’un autre, celui qui vous voit dehors en même temps voit à quel point vous êtes identifiés au frappeur qui veut sortir, un peu plus loin…les étapes, puis le don de compassion, magnifique.
Ecoutez son témoignage :
« Quand on s’éveille, on s’éveille au fait que l’on est dehors, on éclate de rire puis on regarde et l’on voit tous les autres en train de frapper pour sortir et ils sont tous dehors ! C’est le fin du fin de la lila cosmique. Alors il faut faire beaucoup de yoga pour arriver à garder son sérieux quand on s’adresse aux chercheurs ; essayez de parler sérieusement à quelqu’un qui est dehors et qui veut sortir ?
La vision de sagesse, c’est de voir que tout le monde est dehors, c’est la vision que l’Un a de Lui-même.
De cette vision naît le don de compassion.
Du don de compassion nait l’upaya*, moyen pédagogique que cette vision invente pour distraire le frappeur de son obsession de vouloir sortir.
Alors l’étau se desserre, le frappeur se détourne un instant de la porte et respire le parfum du dehors.
La mort du frappeur est la bénédiction suprême. JOIE, JOIE et JOIE
* Chaque assemblée de chercheurs - assemblée de frappeurs - appelle un instructeur à créer un ensemble de moyens destinés à détourner l’attention du frappeur afin qu’il puisse s’éveiller au fait qu’il est déjà dehors. Tant que l’on se prend pour quelque chose, l’upaya - le moyen transmis - par le don de compassion permet de dénoncer avec bienveillance ce pourquoi vous vous prenez et de permettre que grandisse ce que vous êtes vraiment.
Vous n’êtes pas la somme des revendications avec laquelle vous venez vers un enseignant. Vous allez sortir de votre obsession de vouloir sortir…mais c’est très délicat parce qu’un frappeur ne veut pas être dehors, un frappeur veut sortir ; si vous dites à un frappeur professionnel : 10 ans de pratique, avancé et tout et tout, qu’il est dehors comme tout le monde, il n’a pas envie d’entendre qu’il est dehors, il veut sortir ; c’est un grand sacrifice que de sacrifier le frappeur voulant sortir !
Que font des frappeurs qui se rencontrent ? Ils se cautionnent réciproquement…il y a des portes collectives, des styles, il y a ceux qui frappent de la main gauche, ceux qui frappent de la main droite, frappent en lotus et même sur la tête, il y a ceux qui frappent sans frapper, tous frappés !
Le pire serait de rencontrer quelqu’un qui serait sorti ! Cela inciterait à continuer…
Précisons
Ne plus poursuivre les intérêts liés au fait de frapper à la porte,
- n’arrête pas de rentrer dans les stratégies de frapper,
- ne fait pas se savoir dehors.
Remettre en cause cette façon d’agir, être dans un état d’écoute nous permet de sentir ce qui a toujours a été en nous.
" C’est parce que tu as vu le dehors que tu ne crois plus dans les stratégies de frappeur."
L’instructeur énonce le réel, il est contagieux, il peut nous permettre de mettre en évidence des mécanismes en nous, mais nous devons coopérer ; les deux aspects sont nécessairement complémentaires :
- - dénoncer nos stratégies (ce qu’Yvan a nommé « dénoncer le faux »)
- - toucher, sentir, fréquenter le réel. En d’autres termes, dénoncer ce pourquoi nous nous prenons et permettre que grandisse ce que nous sommes vraiment.
D’autres textes suivront : le train et les valises, Nasrudin veut apprendre la flûte… Nous avons grandi avec cet enseignement, c’est notre joie de le rappeler, de le vivre.
Nous vous invitons à nous faire part de votre ressenti et de tout ce que vous aurez à cœur de partager.
Servam kavidam braham,( tout ceci en vérité est Braham )
Tout est brahman.