Le goût du "Nous"
Le " Nous " tisse des liens, sans fin,
des liens qui relient le même toujours au même.
Ces liens se font dans le silence au sein d’une relation qui ne nécessite pas de parler.
Cet échange sans support apparent d’échange est une expression du Nous.
Quand nous écoutons des paroles d’Yvan, nous entendons : Pour nous ce qui est important...pour nous... pour nous ;
d’innombrables phrases commencent ainsi et il en est de même quand nous écoutons attentivement d’autres enseignants, Aziz El Amrani par exemple.
Le Nous, ce n’est pas l’extraordinaire, c’est de l’ordinaire, vivant, cohérent, habité ;
c’est toujours un présent, toujours un élargissement.
" L’accès à la transcendance passe par la cessation radicale du mental, ce n’est pas ce chemin que je propose. Nous sommes dans la voie du monde qui implique une évolution de la conscience depuis le stade instinctif jusqu’au mode intuitif. "
Dans cette évolution le " Nous " se révèle un chemin, le Nous s’intègre, il est des moments où en ces termes, l’intelligence du vivant s’exprime simplement dans " ce paradis en chantier " ; alors l’écoute non focalisée se reconnaît dans nos paroles, parce que l’écoute de l’un et la parole de l’autre sont Un, c’est la même chose.
Yvan disait : " je t’écoute tellement que tu t’entends parler. "
Se libérer du "Je" quand nous parlons, permet de s’exprimer autrement. Le "Je" se donne souvent comme un modèle qui aurait atteint on ne sait quel but, l'ego cherche à s'imposer à tout ramener à lui.
Le Nous, ce sont tous ceux qui font des efforts pour donner sens, pour découvrir, et ceux qui ont pris un autre chemin.
Auprès d'Yvan, nous vivions le "Nous", le "Nous" vivant, changeant, surprenant ; de quelques uns à plus de cent, puis de 200 afin que l’un puisse regarder l’autre, se voir en l'autre, qu’il y ait reconnaissance, que l’Un se reconnaisse.
Nous prenions conscience du Nous "du champ de bataille et du champ de joie où il s’exprime "
Ce " Nous " est toujours vivant aujourd'hui, à chacune de nos rencontres.
Le Nous est une pratique, privilégier le Nous plutôt que le "je” est une ascèse ; C’est sortir de la division, moi et les autres, cela augmente notre sentiment de lien, de solidarité. C’est ressentir qu’ensemble nous apprenons à vivre, à reconnaître nos vrais besoins, ce que nous devons aux autres ; nous nous encourageons, nous nous sentons plus forts, bienveillants, et souvent généreux.
A travers le "Nous" l'Un se révèle être plus que la somme de ses parties.
Marc Aurèle cité par Alexandre Jollien aurait écrit : « Nous sommes nés les uns pour les autres »
Cela me paraît inséparable de la compréhension de l’interdépendance de tous les êtres.
Nous sortons tous de la division, de la séparation quand nous parlons de la planète, spontanément nous disons notre planète !
Des recherches scientifiques actuelles affirment que ceux qui emploient le plus souvent « je », " moi ", " mien " sont plus sujets à des crises cardiaques, le « nous » serait donc bon pour notre santé !
Mireille
« On met en avant le nous, sauf que nous n’avons pas tous la même conception de ce nous, car nous vivons dans une société pluraliste. L’agrégation de cette pluralité de sens du « nous » donne l’impression que c’est un « on » en définitive qui s’affirme dans ces moments là (face à l’horreur, la violence des attentats).
Un on qui se construit dans l’identification aux victimes plutôt que dans l’opposition à un ennemi.
Nous sommes plus que jamais tiraillés entre un besoin du « nous », de cohésion et une tendance à nous crisper sur nos convictions individuelles.
Gérôme Truc, sociologue, pour Télérama