La puissance de l'art
Il était une fois en Chine, un peintre extraordinaire. Durant toute son existence, il n’avait cessé de célébrer les beautés de la nature sauvage de son pays. Rien d’autre ne comptait pour lui et ses peintures étaient comme la vie même.
Hélas, lorsque le vieil empereur mourut, des soldats vinrent l’arrêter et le menerent au palais du jeune empereur.
Le vieux peintre ne comprenait pas ce qu’on pouvait bien lui reprocher, mais lorsqu’on le mit en présence du nouveau souverain, il vit que les yeux de celui-ci étaient pleins de haine.
- Jusqu’à ce jour, lui dit l’empereur, j’ai vécu dans ce palais tapissé de tes œuvres que mon père aimait tant. Et c’est par tes peintures que, depuis mon enfance, j’ai pu connaître la beauté des montagnes, des fleurs, des rizières…
- Ton art a nourri tous les rêves de mon enfance. Or, depuis la mort de mon père, j’ai pu enfin quitter ce palais et voir toutes ces choses par mes yeux. C’est pour cela que je te maudis, car le monde que je vois n’arrive pas à la cheville des rêves que tes peintures ont fait naître en moi. Tu m’as comme dégoûté du monde. Pour te punir, je te ferai crever les yeux et couper les mains. Mais, auparavant, je veux que tu termines ce tableau inachevé, sinon je ferai brûler toutes tes oeuvres.
Et il lui tendit un vieux rouleau qu’il sortit d’un coffre. Le peintre l’examina. Cette esquisse qui datait de ses années de jeunesse représentait la mer de Chine, couronnée d’un grand ciel bleu.
Alors il s’empara de ses pinceaux, dessina de grandes vagues sur la mer avec, au premier plan, une barque en bambous. Puis il releva les pans de sa robe et, sous le regard médusé de l’empereur et des ses courtisans, il grimpa dans la barque, saisit les rames et disparut à l’horizon.
Encore une histoire que nous a adressée Alain, qu'il en soit remercié.